Comment est née cette association ? Qu’est-ce qui a motivé sa création ?

L’idée de départ a été de dire qu’il faut fédérer les acteurs qui s’engagent dans des actions d’insertion par le sport pour donner une autre dimension à ce champ d’activité. Nous avons réuni tous les acteurs concernés par la problématique (villes, fédérations, entreprises et associations) pour créer un espace de dialogue nouveau qui n’existe nulle part sur ce sujet pourtant crucial. Nous souhaitons porter collectivement une grande ambition pour la jeunesse par le sport à travers des actions fortes qui seront annoncées prochainement. Le sport ne sert pas qu’à faire des champions. La ministre des Sports a tout de suite
été partie prenante du projet en le jugeant prioritaire.

Qu’est-ce que la performance sociale du sport ? Quel est le constat de départ ?

J’ai passé plus de 25 ans au sein de l’Agence pour l’éducation par le sport, à valoriser des centaines d’acteurs, les pionniers de l’éducation par le sport, des acteurs de l’ombre qui réparent le pays par le sport. Par exemple, Stéphane Hengy, à Mulhouse, qui a monté le premier tiers lieux du sport et qui met en place des programmes pour la jeunesse de la ville ; ou Larbi Liferki à Roubaix, qui développe des projets pour la culture et l’insertion des jeunes via les pratiques urbaines. Le sport est pour moi l’un des champs d’innovation les plus important qui existent dans notre pays, il est innovant dans sa capacité à accompagner des jeunes dans leur parcours de vie, c’est une école magnifique sous-estimée. Le parcours sportif dans le sport amateur a une grande valeur, on apprend à se connaitre, à se fixer des objectifs, à travailler ensemble pour l’autre, à fabriquer du collectif. Mais un des gros problèmes est que ce parcours n’est pas ou peu financé ! Imaginez une école avec des professeurs bénévoles, ça ne tiendrait pas longtemps, eh bien c’est ce qui se passe dans le sport. Un club qui réunit plus de 800 adhérents est aussi important qu’un collège, il est un lieu d’apprentissage unique. Comme le dit Boris Cyrulnik, le sport amateur génère des qualités fortes, très utiles dans la vie d’adulte. Dans un autre espace, toutes les entreprises parlent du savoir être, le sport est sans doute la première école de savoir-être. Hélas, ce secteur fait face à une difficulté majeure : peu de gens connaissent les bons acteurs qui font des miracles dans nos villes. On en reste trop souvent à vanter les mérites des acteurs sans forcément les aider et les accompagner. Un des principaux défis est de faire des clubs amateurs ou des associations des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Nous allons faire rapidement des propositions sur le sujet.

Quels sont les acteurs qui se distinguent sur la performance sociale du sport ?

Le projet du GIP 2023 qui va accueillir plus de 2 000 jeunes apprentis est très innovant dans sa capacité à profiter d’un grand évènement mondial pour insérer des jeunes, faire évoluer les clubs et créer une dynamique nouvelle. Le projet porté par 4 acteurs associatifs lauréats du PIC* (Élan sportif à Mulhouse, Parkours 59 à Roubaix, Unis vers le sport à Strasbourg, Évasion urbaine à Torcy) qui va suivre plus de 500 jeunes par an est typiquement ce que peut faire le sport en matière d’inclusion avec des éducateurs sportifs de très grande qualité. « La mer est à vous », projet porté par la Fédération Française de Voile, qui va former des jeunes sans diplômes sur des métiers de la mer sera sans doute un des grands projets portés par une fédération qui servira de modèle par la suite. Enfin, le projet porté par l’Agence pour l’éducation par le sport autour du métier de coach d’insertion des jeunes permettra à des milliers d’éducateurs de faire évoluer leur métier et d’accompagner vers l’emploi des jeunes qui en sont éloignés. Mais il y a partout en France un nombre considérable d’acteurs qui font des choses puissantes avec le sport.

Pourquoi avoir créé cette association nationale ?

Les acteurs sportifs locaux sont aujourd’hui pour beaucoup en difficulté avec peu de perspectives de changer de modèle, et le projet subventionné est de moins en moins tenable. Les éducateurs sportifs, qui sont la cheville ouvrière du club, vivent pour beaucoup dans la précarité, sans formation professionnelle, avec des salaires indignes de leur engagement, ce sont les aides-soignants du sport, qui sauvent des destins en étant eux même en galère. Il faudra complètement revoir leur modèle économique en trouvant des moyens nouveaux d’intervention. Le sport professionnel doit demain participer à ce grand projet. Il est indispensable d’agir vite en accompagnant ces acteurs de l’ombre qui s’engagent sur des enjeux prioritaires du pays comme l’insertion, la formation…. Ils n’ont pas de statuts, ils sont très mal payés, leur formation professionnelle n’existe pas, alors que ce sont parmi les meilleurs éducateurs du monde. Il est temps de retisser un lien fort avec le monde sportif professionnel qui s’est trop éloigné de ces acteurs clefs qui représentent la base même du sport. Par exemple, les champions pourraient être plus présents au côté des éducateurs, certains pourrait développer de grands programmes pour la jeunesse. Tout est à créer, tout est à écrire, ce qui ne s’écrit pas a peu de chance de se réaliser. Il y a aujourd’hui des opportunités importantes sur ce secteur, 20 millions d’euros viennent d’être attribués par le ministère du Travail sur des projets avec la Fédération Française de Voile, un consortium d’acteurs associatifs. La coupe du monde de rugby vient de lancer le projet « 2023 apprentis ». Le champ est ouvert, mais il faut maintenant un très gros travail.

Quels seront les premières missions de l’association ?

L’association vient d’être lancée, il faut créer une ambiance avec des gens engagés et motivés. Nous allons élargir le cercle des acteurs, lancer très rapidement un appel aux villes, entreprises, associations et fédérations, mais nous avons déjà beaucoup de demande. Nous allons également poursuivre le Tour de France de la performance sociale, dont la première étape a eu lieu à Roubaix en septembre. Cet été, nous réunirons une centaine d’acteurs pour définir la feuille de route de notre projet. Mais attendez-vous à des projets très ambitieux dans leur forme, et surtout pour construire un grand programme de la performance sociale du sport dans notre pays. On ne peut plus mégoter quand on parle d’éducation et d’insertions des jeunes.