Peux-tu te présenter en quelques mots ? 

Je m’appelle Laurent, j’ai déjà quarante-quatre ans, je suis à l’Alfa Saint-Jacques depuis presque trente ans en tant que joueur. Je suis entraîneur des jeunes depuis presque autant de temps Et puis je suis très attaché à mon club et au quartier. 

 

Quel est ton parcours avant de devenir coach ?  

J’ai un parcours un peu particulier. J’étais déjà très implanté localement parce que j’étais facteur du quartier et du gymnase. Ça m’a donné une certaine implantation locale. J’ai entraîné les enfants, et j’étais aussi un facteur le matin. Ça me permet d’avoir un rapport particulier avec leurs parents, avec les grands frères, avec peut-être même les grands-parents. Et comme en plus j’ai été scolarisé dans le quartier, je croise des gens avec qui j’étais à l’école. 

 

Pourquoi ton club s’est engagé dans ce processus d’inclusion ?  

Alors nous, déjà traditionnellement on le faisait. En tant que postier à l’époque, je passais tous les jours. C’est à dire que sitôt qu’on sait que quelqu’un cherchait du travail et dès qu’il manquait quelqu’un, on savait qu’on avait un carnet d’adresses de gens qui voulaient bosser, qui cherche du boulot. Donc ce lien-là, on l’a toujours fait naturellement. En tout cas, moi, je l’ai toujours fait naturellement. Et puis forcément, c’est reproduit par les gens qui ont été embauchés par ce moyen. Mais il y a d’autres moyens de faire de l’inclusion, comme à la mairie par exemple. Et puis, il y a les jeunes qui veulent faire un peu d’animation et tout ce qui est stage de troisième par exemple. On est très sollicités par rapport à ça.  

 

Depuis quand et qu’est ce qui t’as motivé à devenir coach d’insertion par le sport?  

 Au début, c’est surtout les autres qui m’ont sollicité, ça, tu ne peux pas y échapper. J’ai fini par me laisser convaincre. D’un point de vue personnel, j’arrive à la quarantaine passée, une nouvelle aventure, une nouvelle expérience et le partage, c’est tout à fait louable. Franchement, le projet est beau et noble. Et voilà, je veux amener ma pierre à l’édifice, quitte à transmettre le flambeau au suivant. 

 

Pourquoi es-tu devenu coach de basket et en quoi cela est utile dans ce programme d’insertion ?  

Dès que j’ai eu dix-sept dix-huit ans, j’ai commencé à coacher les tout petits, j’ai cette fibre de formateur. Ça ne m’intéresse pas tellement de coacher les seniors, de coacher à haut niveau, j’ai passé seulement le diplôme pour encadrer les petits. Mais voilà, je suis dans la formation et justement l’insertion par le sport, c’est aussi une formation. Les jeunes sont un peu plus grands, mais en tout cas j’ai l’impression de ne pas avoir de mal à mettre le pied à l’étrier pour me lancer dans un boulot ou dans une nouvelle aventure, d’accompagner les jeunes dans leurs projets quel qu’il soit. Peut-être qu’un jour, un jeune va me dire : “moi mon rêve, c’est de faire le tour du monde “ et de l’aider à planifier ça. 

 

Est-ce que le basket a des spécificités particulières qui te permet de développer toutes ses volontés chez les jeunes ?  

 Moi, j’étais meneur de jeu. C’est vrai que du fait que ma taille n’est pas très grande pour un basketteur. Je n’ai pas réellement le choix, mais je l’avais en moi comme l’esprit formateur. Je l’avais en moi, donc j’ai transmis. J’ai toujours été dans la transmission en fait, c’est-à-dire mettre en place un système organisé. Mais un meneur de jeu, c’est aussi quelqu’un qui est censé être fédérateur, qui est censé être leader. C’est exactement l’impression que j’ai en passant par le sport. J’ai la chance d’avoir des jeunes qui sont demandeurs. La plupart du temps, c’est le cas. Des fois ce n’est pas le cas et il faut trouver les ficelles pour pouvoir les soutenir au mieux. Je ne sais pas, je trouve que le parallèle est assez beau par rapport à ça.  

 

Tu nous en as déjà un peu parlé des avantages, mais peut-être qu’il y en a d’autres. Quels sont les avantages que ton parcours t’a apporté pour être coach et qu’elles sont aussi les inconvénients ?  

 Alors les avantages, c’est le réseau, clairement le fait d’être implanté. Je veux dire ça a été un grand enjeu en tant qu’entraineur avec les enfants pour qu’ils se tiennent bien. Je pouvais leur dire : “Ce n’est pas grave parce que demain je suis facteur. Je sais que tu es au treizième étage, je monte au treizième, voir ton papa, ta maman et leur dire. Et c’est marrant parce que quand je croisais les parents, ils disaient ”Ça a bien marché, il ne voulait pas faire ses devoirs. Hier, je lui ai dit qu’on allait venir te voir.” Donc voilà, j’ai ça. C’est génial cette proximité qu’on a avec les parents. Voilà, donc dans le PIC, il y a un jeune qui a disparu quelques jours. Moi je connais son papa, j’ai appelé son papa, ça n’a pas de fait mal, ça ne va pas plus loin. Mais il a compris que c’était pour son bien et qu’on était tous ensemble, que ce soit le papa ou le jeune, que c’était pour lui, en fait qu’on faisait tout ça et qu’on était là.  

Les inconvénients, c’est que j’y pense en permanence : « Qu’est-ce que je pourrais faire ? Qu’est-ce que je pourrais lui dire ? Comment je pourrais motiver, où pourrais-je la mener ? » C’est ce qui fait avancer. C’est un côté très présent. Surtout moi qui travaillais à la Poste, qui avait un métier. J’arrivais à telle heure, je partais à telle heure, c’était concret. Là, c’est en permanence.  

  

Qu’est-ce que t’a apporté la formation de coach de l’inclusion par le sport ?  

Alors déjà, j’ai adoré. Pour l’anecdote, on a passé cinq jours tous ensemble, avec des histoires, des profils tellement différents entre les judokas et les basketteurs. Ça permet d’échanger des anecdotes de vie. Comment, à cinquante ans, tu te retrouves à faire coach d’insertion par le sport ? Comment un ivoirien s’est retrouvé à faire du judo dans l’Oise ? Ouais, des parcours de vie et justement des anecdotes personnelles. L’échange !  

 

Quels sont tes partenaires et comment ils t’aident dans la mise en place de ton projet ?  

 Alors c’est vrai que moi j’ai cette chance-là de jamais avoir cherché de travail. Donc je suis obligé de m’appuyer sur les professionnels de l’insertion et ont fait le tour des réseaux. Donc j’essaie d’être très proche avec les éducateurs de quartier, de la DSEA, de la mission locale. Il y a des permanences justement à la maison de quartier. Donc on a un contact permanent et on s’échange des infos. On essaye de travailler ensemble, ils sont vraiment de bons conseils. Je pense qu’on a réussi à vraiment créer un réseau sympa en pas si longtemps que ça quelque part. Ça fait trois mois qu’on a commencé et déjà je trouve que le réseau marche bien.  

 

Comment l’ANPSS t’aide dans la réalisation de ton projet ?  

 Justement, cette rencontre, c’est parfait pour moi ! Parce que pour l’instant, je suis juste dans le travail de savoir être et de prise de confiance. Maintenant, il faut qu’on passe le pas et qu’on leur trouve des vrais projets. Et là, en effet, je vais me retrouver face à mes limites et face à mes doutes. Donc j’espère bien que ceux qui ont plus d’expérience que moi, donc à l’ANPSS notamment, vont réussir à me donner des bonnes pistes. Les bonnes orientations pour le bien des jeunes.  

 

Qu’est-ce que t’apporte ce contact avec les jeunes ?  

C’est valorisant, je fais encore le parallèle avec le basket avec les jeunes que j’entraîne. Comme ça fait plus d’une dizaine d’années que j’entraîne la même catégorie. Ceux que j’ai commencé à entraîner, qui avaient moins de onze ans, maintenant ils arrivent en senior. Je trouve ça très valorisant. Quand ils se rappellent avec un peu d’insouciance ou un peu de nostalgie leurs années de poussins comme on disait dans ma génération. Et bien là, ceux que je vois évoluer, que ce soit dans les activités basket, pour ceux qui ne sont pas basketteurs ou à la muscu pour ceux qui n’étaient pas sportif. La marche qu’on a franchi en quelques semaines me paraît déjà très intéressante.